04 février 2010

Une psychologie dans l'espace

Un homme parle à son fils. Mais celui-ci ne l'entend pas. L'enfant vient de monter dans le bus qui doit le ramener chez sa mère. De samedi en samedi, l'histoire se répète. L'enfant s'ennuie avec cet homme qui se sent coupable de la lassitude qu'il provoque. Pourquoi ?

Un homme parle à son fils et s'interroge.

A la succession de samedis à venir, s'ajoute le souvenir des après-midi d'autrefois, les rares fois où son père venait les voir. C'est lui, se disait-il en le voyant surgir de nulle part. C'est lui, se répétait-il, incapable de dire : C'est mon père.

Un père parle à son fils et la narration se dédouble. Deux pères, deux fils, deux histoires, mais un seul temps : deux heures de l'après-midi. Le moment où le narrateur va chercher son fils à l'école et celui où son père surgit au milieu de l'Alameda.

L'originalité du livre réside dans sa manière de conjuguer passé et présent. Le narrateur raconte des faits qui se passent à trente ans d'intervalle, en les fondant dans un récit unique qui va toujours de l'avant. Les rôles s'inversent, les perspectives se dédoublent, mais les mécanismes se répètent.

C'est toujours le fils qu'on voit dans le père et le père qu'on voit dans le fils, comme si la temporalité du récit se dissolvait dans le point de vue des personnages. Au lieu de nous déplacer dans le temps, nous pénétrons ici dans un espace à trois dimensions où il est possible d'embrasser d'un seul regard passé, présent et futur. Fils, père et grand-père.
Peu de romans parviennent à produire ce que Proust appelait une « psychologie dans l'espace ». Un récit où les personnages « touchent simultanément, comme des géants, plongés dans les années, à des époques vécues par eux si distantes ».

Aucun commentaire: